Soit on partage ses connaissances, soit on les dissimule aux autres. Ce partage ou cette dissimulation sont parfois conscients et parfois inconscients. Pour le Web Ouvert, les concepts du partage de la connaissance ont été inscrits dans le code génétique des sites et des services dès le début du Web, que nous appelons souvent Web 1.0. Le partage rompt de façon rafraîchissante l'isolement de l'utilisateur sur son ordinateur perdu sur Internet. ou qui se contente d'utiliser certaines facettes non-sociales du Web telles que la consommation de médias. Cependant, il est important de souligner que le partage n'est pas forcément l'utilisation la plus répandue du Web.
Le Web, à l'origine, tel qu'on l'a construit sur Internet, consistait essentiellement à afficher publiquement des pages HTML échangées entre universitaires. Avec l'explosion du Web public, plus précisément à partir des années 1994-1997, la quantité de personnes actives en ligne a augmenté de façon exponentielle1. Depuis, le Web est passé rapidement de pages personnelles à usage public à des services et à des entreprises commerciales. Celles-ci développent des applications qui leur permettent d'exercer divers contrôles collectifs et privés sur votre participation. Le partage de vos connaissances et l'accès à celles des autres ont été réglementés soit par le biais de stratégies de blocage des pages web par leurs propriétaires, soit par la force des lois imposées par les juridictions du monde entier. Même la possibilité de voir la source permet seulement de faire une version dérivée ou simplement de copier le contenu en ligne mais pas de modifier le contenu d'origine par défaut.
De nos jours, avec des sites tels que Youtube, Flickr, et Twitter, il est possible de lire et de publier sur des pages web avec différents niveaux de contrôle et d'accès. Le nouveau champ de bataille à propos de la lecture et publication d'informations est lié à ce qu'une personne est autorisée à partager sur un site Web. Auprès d'un certain nombre de services, le partage quotidien est le comportement par défaut, d'où l'énorme quantité d'informations publiées par certains vers leurs réseaux sur Facebook, ainsi que via les services de microblogging comme Twitter et Status.Net. Cependant, tout le monde n'utilise pas la même stratégie de partage. Pour cet ouvrage, nous ferons la distinction entre le partage de connaissances en général, et le partage nécessitant une adaptation juridique au travers des licences telles que les Creative Commons permettant un partage légal.
L'appropriation générale des œuvres de création par le copyright fait émerger un monde où dès que vous menez un travail de création — audio, vidéo, image ou texte — votre conception est limitée par le copyright. Il n'est absolument pas nécessaire qu'une institution gouvernementale enregistre votre travail. Cela signifie que les travaux les plus créatifs dans les pays signataires de la convention de Berne voient leur partage bloqué par les autres. À priori le partage mondial est brisé. C'est un partage qui a échoué.
Une solution à cet échec du partage de contenu est fournie par les Creative Commons, une institution à but non lucratif qui assure gratuitement des outils légaux permettant au détenteur de copyrights de partager certains droits avec les autres2. En ce qui concerne le code source de logiciel, il existe des biais juridiques de la Free Software Foundation, qui fournit la GNU GPL. La GPL, qui a été à l'avant-garde de la méthode du copyleft qui permet de rétablir le partage, est aujourd'hui la licence libre la plus répandue, la plus utilisée pour les contenus3, et elle a inspiré la licence Creative Commons de partage des droits à l'identique, mais également le copyleft.
Ce problème de copyright est d'origine humaine et non technique : le protectionnisme. Des multinationales comme Disney ont modifié la durée des termes du copyright pour qu'elle soit étendue à l'infini, dans une forme de transhumanisme d'entreprise, trichant avec la mort d'une façon anti-naturelle. Elles soutirent du profit en prolongeant artificiellement et indéfiniment la rareté des ressources.
La bataille pour le Web ouvert exige à la fois davantage de partage et des outils comme Creative Commons.
Pourtant, le partage a ses limites. Il y a pléthore d'exemples dans le monde où le partage pose problème. Il n'existe aucun système parfait pour partager. La bataille pour le Web ouvert se déroule dans un contexte social, juridique et technique sans arrêt en mouvement.
Considérez un instant une anecdote personnelle à propos d'un excès de partage de contenu sur Facebook. Un ami des auteurs a utilisé le Web pour partager ses voyages sur tripit.com, un service qui diffuse votre statut sur Facebook par défaut. Notre ami, qui vit dans un pays arabe en guerre avec Israël, a publié qu'il ferait bientôt un séjour en Asie. Quelqu'un d'autre, pas même une connaissance de notre ami, a commenté la publication automatique sur le flux public de Facebook en disant « J'espère vous voir bientôt à Tel Aviv ! » Les services secrets ont intercepté le message, non pas en utilisant des procédés technologiques pointus, mais simplement parce que les publications sont publiques. Notre ami a passé les deux jours suivants dans une cellule — pour cette seule publication. Partager n'est donc pas forcément une expérience positive, si c'est fait inconsciemment ou bien détourné par d'autres.
Un des meilleurs exemples de réussite du partage est un site parmi les cinq les plus consultés du monde, Wikipédia. Cette encyclopédie massivement modifiée par la communauté prospère suivant le principe que chacun est un expert, n'importe qui peut modifier l'encyclopédie. Ce qui est légalement renforcé par l'usage de l'outil juridique que constitue la licence Creative Commons Paternité Partage à l'identique. Prenons pour exemple l'article sur Inkscape, l'outil graphique open source : http://en.wikipedia.org/wiki/Inkscape. Si nous le regardons dans sa totalité, il dresse la liste de ce que fait le logiciel, l'historique du projet et les références des fonctions qui ont fait l'objet de demandes d'aide. En haut de la page vous pouvez cliquer sur l'historique de l'article et voir des milliers de modifications. L'historique de ce partage du savoir entre des milliers de contributeurs du monde entier donne plus de poids à l'article. Ce n'est ni trop ni trop peu de partage, mais juste ce qu'il faut.L'enjeu de la bataille du Web ouvert, c'est de pouvoir exercer votre propre contrôle. La question c'est d'être responsable de vos propres formes de partage. Dans le Web ouvert, le partage est nécessaire pour combattre la dissimulation massive des connaissances qui fait partie des normes juridiques et sociales, à l'échelle mondiale.
Mais alors que certains pourraient proclamer « l'amour du partage » celui-ci peut avoir des effets indésirables. Avec le système de copyright par défaut, dans tous les pays développés (avec l'extension de ses contraintes à tout le reste essentiellement verrouillé par des traités et des pressions exercées par ceux qui cherchent une économie de rente), la faiblesse du partage est généralisée. Mais il est également possible de partager à l'excès, à la fois sans votre consentement et de façon indésirable, comme le font ceux qui choisissent de polluer nos boîtes aux lettres.
Comme les universitaires l'ont démontré à maintes reprises, et comme l'a imaginé Cory Doctorow dans « Down and Out, in the Tragic Kingdom »4, l'avenir est construit sur le passé. Un passé dans lequel existait un domaine public, des œuvres de création libre. Notre histoire collective. Disney a bâti son empire en tirant du passé des récits appartenant au domaine public, en illustrant des chansons avec des animations, en synchronisant des voix off pour commenter ses histoires, et a créé un système de rareté artificielle pour générer du profit. Toutefois, vous ne pouvez participer librement à l'entreprise de Disney sans en payer le prix. Ce même modèle de partage sous contrôle se retrouve un nombre incalculable de fois sur le Web, depuis Amazon Store jusqu'à iTunes d'Apple qui vendent des vidéos de Disney, des animations de Pixar, et d'innombrables morceaux, et jusqu'à l'artiste connu sous le nom de Prince, traduisant en justice ses fans5 qui envoient des vidéos sur YouTube. Le copyright d'exclusivité mondiale est souvent renforcé quand la rentabilité n'est pas maximale. Dans ce modèle, le seul partage auquel vous avez droit est celui du numéro de votre carte de crédit.
Dans le Web ouvert, il y a des des lueurs d'espoir pour un partage plus équilibré. Wikipédia et l'immense succès des sites Web 2.0 comme Youtube montrent que les gens désirent partager. Plus de 24 heures de vidéo haute définition sont envoyées sur Youtube chaque seconde6.
Dans la bataille du Web ouvert, la solution consiste à soutenir le partage légal avec les Creative Commons et autres licences libres et ouvertes. Si c'est fait correctement, comme Wikipédia, juste ce qu'il faut de partage peut vraiment changer le monde.
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