Le filtrage d'Internet est un ensemble de techniques qu'utilisent les censeurs pour empêcher les utilisateurs d'accéder à certains contenus ou services en particulier. Les opérateurs peuvent poser un filtre à n'importe quel point d'un réseau, en utilisant toute une gamme de technologies, à divers degrés de précision et de personnalisation. Le filtrage classique implique l'usage de logiciels qui espionnent ce que les utilisateurs essaient de faire et peuvent interférer de façon sélective avec des activités interdites par la politique de l'opérateur. Un filtre peut tout aussi bien être mis en place par un gouvernement que par un fournisseur d'accès local ou national. Le filtrage peut avoir des conséquences très concrètes et très graves dans le monde réel. Si des gouvernements surveillent l'activité en ligne d'un individu et qu'il peut être jeté en prison pour avoir écrit en ligne des propos un tant soit peu subversifs, alors il est très difficile de prétendre que le Web est ouvert pour chacun, indépendamment de l'architecture technique et de la liberté du logiciel et du contenu.
Cependant, prôner un Web totalement ouvert où tout serait accessible (sans filtrage) à tout le monde, n'est pas non plus sans problèmes : il ne s'agit pas d'être pour ou contre, mais de savoir où l'on place le curseur. Il semble tout à fait clair que le blocage gouvernemental de l'accès aux OER (Open Educational Resources, ressources pédagogiques ouvertes) sur le Web est inacceptable, alors que par ailleurs on peut comprendre qu'un individu installe des filtres sur son poste de travail pour modérer toutes les habitudes improductives (comme d'aller sur Facebook sur son lieu de travail). Sur le même curseur se trouvent beaucoup de questions incertaines — est-il acceptable que les parents installent des filtres pour bloquer ou surveiller l'accès des enfants à la pornographie ? Est-ce que les écoles devraient pouvoir filtrer les réseaux sociaux comme Twitter ?
La question de savoir si le le filtrage est approprié revient souvent à se demander pourquoi on veut filtrer et qui opère le filtrage. Un Web ouvert tel que nous le concevons milite en faveur d'autant d'autonomie que possible quand on détermine ce qui doit être filtré.
Dans de nombreux pays, ce n'est un secret pour personne qu'il existe une censure étatique de l'Internet, comme le mentionne le livre Access Denied: The Practice and Policy of Global Internet Filtering, de Ronald Delbert, John Palfrey, Rafal Rohozinski, et Jonathan Zittrain (http://opennet.net/accessdenied). Quand un site populaire est complètement bloqué, l'information tend à se répandre très largement dans le pays.
Mais en général, déterminer si quelqu'un vous empêche d'accéder à un site Web ou à envoyer des informations à d'autres s'avère une tâche compliquée. Quand vous tentez d'accéder à un site bloqué, vous pouvez voir un message d'erreur classique ou parfois rien du tout… ce qui peut laisser croire que le site est inaccessible pour des raisons techniques.
Certaines organisations, et de façon notable l'initiative OpenNet (http://opennet.net) utilisent des logiciels pour tester l'accès à Internet dans divers pays et pour comprendre comment l'accès peut être compromis dans différentes régions. Dans certains cas, c'est un travail difficile et même dangereux, selon les autorités du pays concerné.
Dans plusieurs pays, il n'y a aucun doute que le gouvernement bloque des parties d'Internet. En Arabie Saoudite, si on essaie d'accéder à de la pornographie, on obtient un message du gouvernement expliquant pourquoi le site est bloqué. Dans les pays qui bloquent sans notification, l'un des indices ordinaires de censure est qu'un grand nombre de sites aux contenus voisins sont inaccessibles pendant de longues périodes, sauf parfois quand ils usent de contremesures comme la migration vers un autre domaine. Un autre signe est que, sur certains sujets, les moteurs de recherche retournent des résultats inutilisables, ou rien du tout. Il peut s'agir de pornographie, de jeux d'argent, de drogues (y compris l'alcool) ou autres activités illégales, ou bien de mouvements politiques ou religieux réputés dangereux (par exemple les sites néo-nazis sont bloqués en Allemagne).
Comme exposé plus haut, il peut y avoir filtrage ou blocage pour une variété de raisons sans grand rapport avec la politique. Les parents peuvent filtrer l'information à laquelle leurs enfants ont accès. Bien des organisations, des écoles à l'armée américaine en passant par des sociétés commerciales, restreignent l'accès à Internet de manière à empêcher les utilisateurs de communiquer sans surveillance, d'utiliser le temps de travail ou le matériel informatique de l'employeur pour des raisons personnelles, de faire des infractions au copyright, ou d'utiliser les ressources réseau de manière excessive.
Cependant le filtrage entraîne les conséquences les plus graves lorsque la surveillance gouvernementales des accès individuels crée des injustices. La France par exemple, a promulgué en 2009 une loi destinée à contrôler et réguler l'accès à Internet en conformité avec les lois du copyright. HADOPI, c'est le nom de cette loi, proposait à l'origine de couper l'accès à internet de l'utilisateur sur la simple accusation d'infraction au copyright. La loi a finalement été atténuée, de sorte qu'un juge est requis pour débrancher la prise, mais la pratique soulève d'énormes questions quant à un gouvernement capable de porter atteinte à ce droit fondamental qu'est l'accès à internet selon l'Union Européenne :
« Reconnaissant qu’Internet est essentiel pour l’exercice pratique de la liberté d’expression et de l’accès à la liberté d’information, aucune restriction ne peut être imposée sur ces droits fondamentaux sans la décision préalable prise par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi et agissant dans le respect du procès équitable tel que définit à l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, sauf lorsque la sécurité publique est menacée auquel cas, la décision peut être ultérieure. En ce qui concerne ces problèmes, la Commission devrait entreprendre une large consultation publique. »
Il s'ensuit que la bataille pour un Web ouvert ne se résume pas à une opposition entre régulation et autonomie, mais correspond également à une lutte immémoriale pour les libertés civiques.
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